Par Karine Blanc
Il faut quatre hommes pour faire une salade : un prodigue pour l’huile, un avare pour le vinaigre, un sage pour le sel et un fou pour le poivre (Citation Poète François Coppée).
A la rencontre de la folle histoire du Poivre de Kampot
On peut parler d’une véritable renaissance pour ce poivre considéré par certain(e)s gastronomes comme le meilleur poivre au monde. Pour ma part, j’ai toujours un peu de mal à affirmer que tel ou tel poivre est le meilleur au monde. C’est comme pour le vin (lire l’article : Comment choisir son poivre)
Tout dépend de nos gouts, de nos envies, de la recette sur laquelle on va apporter la bonne « signature poivre ». Oui, je parle de signature : car le poivre ne doit pas être cuit (pour ne pas développer du piquant et de l’amertume et pour ne pas irriter les intestins les mille et une vertus du poivre)
Cependant il faut bien reconnaitre que le poivre de Kampot est d’une finesse incroyable, et quand on connait son histoire, je crois que cela ajoute une émotion supplémentaire…
Tout connaitre sur l’histoire du Poivre de Kampot :
Le poivre de Kampot porte le nom de la province de Kampot au Cambodge, située au bord du golfe du Siam. On trouve des plantations de poivriers dans certains districts de la province de Kampot et également dans la province de Kep.
Une culture ancestrale :
On retrouve dans un récit de l’explorateur Chinois Tchéou Ta Kouan (ou Zhou Daguan) datant du 13eème siècle une description de la production du poivre au Cambodge.
De colonies en guerres …
La culture du poivre de Kampot s’est vraiment développée au 19eme siècle à la suite de la guerre d’Aceh (Indonésie) en 1873. Le sultan d’Aceh brula ses plantations de poivres afin de ne pas laisser cette richesse aux colonisateurs Néerlandais créant ainsi une pénurie sur le poivre dans cette région.
Cette pénurie de poivre a sans aucun doute contribué au développement de la culture du poivre de Kampot avec l’arrivée des colons Français qui ont intensifié la production de poivre. A cette période on parle de : fièvre du poivre à l’instar de la fièvre de l’or aux Amériques. Les plantations se développent, pour l’époque on pourrait presque parler de production intensive puisqu’à la fin du 19eme siècle le Cambodge produisait plus de 8000 tonnes par an de poivre. Par la suite la production diminuera principalement à cause d’une situation politique inconstante au Cambodge.
Malgré cela au début 20eme siècle s’est une véritable apogée pour le poivre de Kampot, avec une qualité de poivre exceptionnelle (la production de stabilise à 3000 tonnes par an). Le poivre de Kampot devient alors une épice très prisée par les gastronomes et notamment par de grands chefs Français.
Malheureusement, en 1967 la guerre éclate et le Cambodge va connaitre 30 ans de guerre civile, dont 5 ans sous le régime de Khmers rouges qui vont mettre en place un régime de terreur (1975 -1979). Les plantations seront détruites, seule la culture du riz sera autorisée. Des millions de morts, les fermes et les infra structures détruites, un pays à sang et à feu. L’anéantissement de la culture ancestrale du poivre…
La Renaissance
En 1998 les familles de producteurs reviennent sur le sol de leurs ancêtres. Un long travail de remise en état des terres abandonnées les attend. Ils n’ont rien oublié du savoir-faire ancestral, et à force de courage, de labeur grâce à leur savoir-faire leur volonté de redonner ses lettres de noblesses au poivre de Kampot, et grâce au soutien d’entreprise privées, d’organismes de développement en 2006 le Poivre de Kampot renait de ses cendres.
Et c’est en 2006 que j’ai pu pour la première fois gouter et par la suite sélectionner le poivre de Kampot noir, le poivre de Kampot blanc et le poivre de Kampot rouge, et depuis je ne cesse de le mettre à l’honneur car je ne peux oublier la volonté et le courage du peuple Cambodgien.
C’est pour cela que je vous parlais au début de cet article d’une émotion supplémentaire lorsqu’on utilise un poivre de Kampot qu’il s’agisse de grains de poivres noirs, blancs ou rouges. Il y a la résilience, le courage de ces femmes et de ces hommes qui font du poivre de Kampot un des meilleurs poivres au monde…
La reconnaissance
Depuis 2006 que je sélectionne le Poivre de Kampot, la qualité n’a eu de cesse de s’améliorer encore et encore pour arriver aujourd’hui à l’excellence. Et ce travail que nous avons effectué en partenariat fut récompenser le 2 avril 2010 par la naissance d’une IGP (Indication Géographique Protégée) qui est le premier produit agricole Cambodgien qui a obtenu une IGP.
