Voyage

Le poivre du Phu-Quoc, une histoire de femmes et de traditions

Quand le Vietnam s’invite au pays imaginaire du Sarabar

Par Karine Blanc

Une rencontre, une histoire, des grains d’exception… Comme toujours, tout part de là. Le poivre du Phu-Quoc, c’est d’abord la vie de femmes d’exception dédiées à la production naturelle et traditionnelle d’un poivre unique.

Nous sommes à l’extrême sud du Vietnam. Au cœur des paysages bleus et verts du golfe du Siam : l’île de Phu-Quoc. C’est là, à la frontière avec le Cambodge, que je rencontre la famille Ta.

Marie Ta est l’arrière-petite-fille d’un médecin chinois ambulant qui s’est installé sur l’île dès 1928. Son fils, le grand-père de Marie Ta, se lance dans la production de poivre deux décennies plus tard. En 1954, la guerre du Vietnam éclate. Les femmes prennent la relève dans les plantations. À ce jour, elles dirigent toujours l’exploitation familiale. C’est Marie Ta, sa mère et sa tante qui en sont à la tête. Une affaire de femmes donc, qui résistent encore et toujours à la pression immobilière d’un lieu devenu très touristique et perpétuent l’œuvre du grand-père pour donner ses lettres de noblesse au poivre du Vietnam.

Un poivre issu de savoir-faire ancestraux

Souvent confondu avec le poivre de Kampot (poivre du Cambodge), le poivre du Vietnam plus présicément le poivre de Phu Quoc est à l'instar du poivre de kampot, du poivre de Madagascar, du poivre sauvage de Madagascar un trés grand poivre.

À des années-lumière du poivre du Vietnam, cultivé de manière intensive (le pays est le premier exportateur de poivre au monde) la culture de l’île de Phu-Quoc reste confidentielle. Elle ne représente que 1 % de la production Vietnamienne.

Les poivres de l’île de Phu-Quoc que j’ai choisis sont issus de cette agriculture traditionnelle, sans apports chimiques. La récolte, l’égrainage, le trempage et le séchage se pratiquent de façon entièrement manuelle par Marie Ta et sa famille.

Le Phu-Quoc noir, entre légèreté et puissance des arômes

Grain de poivre noir, grain de poivre blanc, grain de poivre rouge : chaque grain a sa typicité, ses arômes et son usage.

Le poivre noir est cueilli à maturité, lorsque sa couleur verte commence à tirer vers le jaune et que ses grains sont bien formés, denses et lisses. La récolte a lieu en mars, souvent en deux étapes pour s’assurer que tous les grains obtiennent un bon diamètre. La famille Ta veille à ne récolter que les grains les plus denses, d’une grosseur suffisante. Les grains d’exception en somme. Après avoir été lavé, le poivre noir du Phu-Quoc est longuement séché au soleil. Une légère fermentation s’opère alors.

Grâce à sa succession de notes végétales puis rondes et chaudes, légèrement réglissées, le poivre noir du Phu-Quoc est d’abord subtil en bouche avant de dévoiler toute sa puissance. Il est idéal pour sublimer les viandes rouges, le gibier comme le sanglier ou le chevreuil, les poissons gras, la pomme de terre, les gratins de légumes d’hiver, le chocolat et les fruits rouges. Selon moi, le plat parfait pour le Phu-Quoc noir serait une daube de sanglier ou une très belle pièce de bœuf.

Le Phu-Quoc blanc, une tradition couleur beige

Le Phu-Quoc blanc est obtenu à partir du poivre rouge, à pleine maturité. Ce stade de maturité explique la grosseur exceptionnelle des grains. La famille Ta les trempe dans l’eau de source pour les débarrasser de leur péricarpe (pulpe) et ne conserver que le noyau. Loin des productions industrielles qui trempent les grains dans des bains chimiques pour gagner du temps, le poivre blanc du Phu-Quoc garde sa couleur beige foncée.

Il accompagne avec gourmandise les viandes de veaux, de porcs, les ris de veau, les tripes, les andouillettes, les poissons blancs en sauce, les pommes de terre, les pâtes, mais aussi les poires et les pommes. Mon péché mignon : un délicieux plat de linguine à la truffe blanche d’Alba relevé grâce au Phu-Quoc blanc.

Le Phu-Quoc rouge, une production traditionnelle pour un grain d’exception

Caractérisé par sa couleur rouge vif, le Phu-Quoc rouge est fait de gros grains. Cueillis à sur-maturité – soit une vendange tardive du poivre –,  les grains sont séchés pour prendre une couleur brun-rouge foncé, avec des reflets bordeaux.

Marie Ta refuse le procédé qui consiste à fixer la couleur en ébouillantant le poivre puis en le trempant dans l’eau glacée. Selon elle, cette méthode représente une perte d’arômes considérable. C’est pour cette raison que le Phu-Quoc rouge est beaucoup plus foncé que le Cambodia, le poivre rouge du Cambodge où l’on procède à l’ébouillantage.

Les notes sensorielles de ce poivre unique sont très subtiles. On découvre d’abord une rondeur et une jolie acidité avec une légère pointe de cacao. Viennent ensuite des notes de mangues bien mûres puis une sensation de fraises des bois – presque de framboises.

Viandes rouges ou blanches, sardines marinées, poulpes, seiches, crustacés ou desserts à base de chocolat et salades de fruits exotique… le Phu-Quoc rouge accompagne avec ravissement vos plats. Pour moi, il reste idéal pour relever des poulpes à la plancha, en toute simplicité.

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